Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les quanta.

J'en ai fait, des titres mensongers. Mais alors là !

 Elle était belle, la physique du début du XXème siècle. Elle était lisse, continue, on pouvait voyager dans tout l'Univers et à toutes les échelles rien qu'en l'imaginant. Einstein était sur le point d'expliquer le comportement des champs gravitationnels avec une grâce inégalée. Il ne restait qu'un petit nuage noir au tableau. C'est une expression hein, les nuages noirs sont très beaux. Il ne restait qu'un nuage noir disais-je, connu sous le petit nom de rayonnement du corps noir ou, comme Ehrenfest l'a désigné, la catastrophe ultraviolette. Le nom qui claque.


 Cet article n'a pas l'objectif grandiose d'expliquer la mécanique quantique. D'autres gens, bien plus qualifiés que moi, le font déjà beaucoup mieux. Ce que je veux, c'est qu'on réalise ensemble à quel point on ne la comprend pas. Car ce que j'ai appris de la mécanique quantique, c'est que plus nous prenons conscience qu'on ne peut pas la comprendre, plus nous sommes proches d'en saisir les principales informations.


La catastrophe ultraviolette 

 

Au début du XXème siècle, la physique est à son paroxysme. Presque tout s'explique. Le mouvement des planètes et des étoiles, le comportement des ondes électromagnétiques... Il y a juste une petite bizarrerie qui persiste dans l'étude des rayons émis par un objet chaud. D'après les calculs, un feu de cheminée devrait émettre des rayons gamma en quantité aussi fatale que mortellement létale, du genre : « Tiens chérie, remets donc une bûche de plutonium ». Expérimentalement, ça n'a pas l'air de concorder.

Un chocolat chaud et des chaussons en moumoute pour nous mettre dans l'ambiance.

 Max Planck résoud ce problème en changeant un point : il dit que l'émission d'énergie ne peut pas prendre n'importe quelle valeur, en lui donnant une valeur minimum et en décrétant que toute valeur ne peut être qu'un multiple de celle-ci. Autrement dit, si on donnait à la plus petite énergie possible la valeur arbitraire de 1, cela signifie que toute énergie émise par un objet ne pourrait prendre que les valeurs entières : 1 ; 2 ; 42 ; 1337... Elle ne pourrait pas valoir 8,25 par exemple. C'est là qu'est né le concept de quantum. Un quantum, c'est un paquet, une unité indivisible. Et Planck venait de prouver que l'énergie émise par un objet chaud, sous forme de lumière, était composée de quanta : les photons.

À tes souhaits.

 En soi, ça n'a pas l'air dramatique. Il a résolu le dernier problème connu de la physique, et du même coup, il a découvert que la lumière était composée de particules. C'est plutôt cool. Sauf que la lumière est une onde. La solution de Planck a provoqué une réaction en chaîne dont chaque maillon générait une pléthore de nouveaux problèmes. C'était un gouffre qui venait de s'ouvrir entre la physique de l'infiniment grand et celle de l'infiniment petit.


La méca quantique, c'est psychédélique

 

 Si vous avez déjà lu ou entendu de la vulgarisation en mécanique quantique, vous connaissez certainement l'histoire du mec qui explique un phénomène quantique en le comparant à une expérience à notre échelle, et qui conclut en disant qu'en fait ce n'est pas ça du tout.

 N'importe quelle analogie qu'on puisse être tenté de faire entre la mécanique quantique et la mécanique classique est, au mieux, aussi représentative qu'un étranger mimant un train pour vous demander le chemin de la gare, au pire complètement fausse. Mais ça ne veut pas dire qu'elle doit être rejetée. La première fois qu'on est confrontés à la notion de l'atome composé d'un noyau et d'électrons, on ne peut pas échapper à l'image de planètes en orbite autour d'une étoile. Les deux n'ont absolument rien à voir, mais cette analogie est une étape indispensable pour aborder le sujet.

Ernest Rutherford, l'un des plus éminents scientifiques contemporains d'Einstein,
avait lui-même imaginé un modèle « planétaire » de l'atome avant l'avènement de la mécanique quantique.
Image tirée de www.physique-appliquee.net

 Notre imagination est bornée par nos observations. Quand quelqu'un nous parle d'un extraterrestre, la première image qui nous vient est une créature possédant 2 à 8 pattes, 2 à 8 yeux, la peau nue, des poils, des écailles ou des plumes. On peut aller plus loin, imaginer des nuages télépathes ou des étoiles à neutrons qui rêvent de goûter à une glace italienne, mais tout ce qui est issu de notre imagination n'est qu'une combinaison de ce qui a déjà été observé.

 Maintenant, fermez les yeux... Non en fait, rouvrez-les, sinon ça va être chiant pour lire. Imaginez un univers peuplé d'êtres vivants intelligents, mais cet univers n'a que deux dimensions spatiales. Soudain, les scientifiques de cet univers découvrent que leur lumière est composée de faisceaux de forme cylindrique. Quelle est la meilleure représentation qu'ils puissent faire pour l'expliquer aux journalistes, sachant que le concept même de cylindre leur échappe ? Une vue en tranche, ou une vue de côté ?

Belore, ton sens artistique trouve une véritable expressivité au fil des ans.

 Dans notre propre univers, les scientifiques ont autant de mal à nous expliquer leurs découvertes. De leur côté, ils ont dépassé depuis longtemps le besoin d'associer des images avec les données qu'ils manipulent, et les représentations les plus proches qu'ils puissent s'en faire sont des formules mathématiques, de la même façon qu'il est beaucoup plus facile de faire des calculs dans un espace à quatre dimensions que de se l'imaginer. Une blague de mathématiciens consiste à dire que pour modéliser un espace à 4 dimensions, il suffit de prendre un espace à X dimensions avec X=4.

 Mais pour le plus grand plaisir des profanes que nous sommes, les vulgarisateurs s'évertueront pour l'éternité à trouver des images colorées pour nous faire comprendre l'incompréhensible !

Animation de Thomas Thiemann de l'université Friedrich-Alexander d'Erlangen-Nuremberg,
représentant l'espace-temps à l'échelle de la longueur de Planck,
soit des millions de milliards de milliards de fois plus petite qu'un atome.
Gif capturé depuis la vidéo de Science Étonnante.

1 commentaire:

Jamily a dit…

Article lu et dévoré, chouette chouette chouette :)
Et puis Bertrand doit être flatté que tu parles de lui...

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